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Fraternité Laïque Dominicaine
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3 Mai 2021

La sollicitude est prise de parti

Fabien Van Vlodorp, o.p.

« Je nourris un pauvre et l'on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n'a pas de quoi se nourrir et l'on me traite de communiste ».

Dom Helder Camara

Bonjour à toutes et tous,

Ce soir, je parie que, en lisant le titre, certains parmi vous, se disent, ça y est : il va nous affilier à un parti politique !  Rassurez-vous, nous laisserons la politique de côté. Par contre, le parti dont je voudrais vous parler et que je vous invite à découvrir, est certainement le plus grand parti au monde et celui qui, depuis la nuit des temps, a eu le plus d’adhérents. Souvent d’ailleurs, un peu malgré eux. Il n’y a pas d’âge pour en faire partie. Des petites filles sur les trottoirs de Manille aux papys sur les trottoirs de Bruxelles. Ils sont présents sur tous les continents.  Ils sont de plus en plus nombreux et nous voulons de moins en moins les voir.  Ils font « tache », parfois peur ou, pire encore, suscitent en nous une émotion qui nous déstabilise.  « Mais qui sont-ils ? », me direz-vous.

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Ce sont… les Pauvres, les Exclus, les Rejetés, les Malades, les Faibles, les Impurs, les « différents », les « pas comme nous », ces millions ou milliards d’hommes et de femmes qui, à cause de notre regard, se trouvent à la marge d’une société où il est de bon ton d’être comme tout le monde,
c.-à-d., comme moi. Ce sont tous les rejetés  du système merveilleux qui m’a permis à moi, heureux gagnant de la loterie humaine, de vivre agréablement.

Si évidemment nous ne pouvons être tenus responsables de tous les maux du monde, il faut quand même -à minima- s’interroger sur notre rôle dans l’entretien d’un tel système.  Personnellement, je mets tout à fait mes pas dans ceux de Jésus et surtout, mon regard dans le sien sur ces gens. Jésus ne juge pas les pauvres et pécheurs. Il est positif à leur égard mais personnellement, il leur dit « va et ne pêche plus ». Par contre, vis-à-vis des scribes et grands prêtres, il est négatif sauf envers ceux qui changent de regard.  C’est cette sollicitude de Jésus envers les « décentrés » qui mérite, ce soir, notre attention et notre adhésion.

Les écritures nous parlent

  • Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même: Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. (Actes 20 : 35)

 

  • Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.  (Matthieu 5 : 42).

 

  • Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus; autrement, vous n'aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l'aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d'être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense.  Mais quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône se fasse en secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.  (Matthieu 6 : 1-4)

Quelques réflexions :

Dans les différents aspects présentés par le Frère Ignace Berten, o.p. dans son étude de la sollicitude, le « parti pris » pour les pauvres et les exclus me parait être celui qui reflète le plus le caractère fraternel, social de cette attitude.

« L’option préférentielle pour les pauvres », telle que présente dans le discours de l’Eglise et dans les récits évangéliques, est, à priori, une drôle d’expression. Comme en automobile, il y a donc des options possibles pour ma foi ?!  Dingue, je n’en avais jamais entendu parler et monsieur le Curé ne m’en avait jamais rien dit.  Je vais donc pouvoir la « customiser » à mon goût.

 

Si l’option automobile est un luxe que je m’autorise selon mes envies et mes moyens, l’option préférentielle des pauvres, elle, n’a rien d’un accessoire supplémentaire mais fait partie intégrante de ma foi.  Elle en est même un élément essentiel.  L’option, ce n’est pas une pièce mais un choix et même un double choix : celui du regard et celui de la solidarité.

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Le choix de regarder ou pas est fondamental dans la démarche de sollicitude.  Comment se faire proche, aller vers les défavorisés, les exclus, si on ne les regarde pas ?  Lorsque je donne une pièce à un SDF en rue sans le regarder ou sans lui dire au moins « bonne journée », c’est comme si je niais son existence.  Et, partant de là, je rends impossible le second regard, celui de la solidarité.  Il est vrai que, parfois, on n’a pas le temps ou l’envie de commencer à ECOUTER ces personnes à la vie souvent cabossée. Pourtant, tout part de là, de l’écoute.

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L’écoute a un double intérêt :

Pour celui qui parle, c’est valorisant, cela prouve qu’il existe, qu’il n’est pas un fou qui parle dans le vide.  Par la parole, il peut aussi souvent se décharger d’un fardeau qui lui pèse, que ce soit la solitude, l’addiction ou la peur car la « pauvreté », la précarité n’est pas que matérielle, elle peut aussi être sociale ou émotionnelle. Le fait de pouvoir exprimer et partager son vécu fait donc du bien à celui qui en est privé.  Un jour, un SDF que je croisais régulièrement et avec qui j’échangeais quelques civilités, m’a dit toute l’importance que cela avait pour lui de parler avec les gens : « Quand on me parle, je ne suis plus un mobilier urbain… »

 

Pour celui qui écoute, c’est la découverte d’une réalité souvent bien différente de celle vécue.  Cette confrontation à la « différence » est aussi source de questionnement sur la manière dont je vis, sur les valeurs qui sont les miennes. Cela m’ouvre aussi les yeux sur la société et la manière dont elle prend soin - ou pas - de ses membres. Ce regard « décentré » via l’œil d’un exclu, ne peut qu’enrichir ma connaissance, ma compréhension et mon attachement au monde qui m’entoure et doper mon envie de participer à son épanouissement.

L’écoute de tous ces défavorisés  et le regard, sur la société, qu’ils me proposent ne peut que m’inciter à AGIR, à choisir cette option, ce 2ème regard, celui de la solidarité.

En effet, comment rester de glace, indifférent à l’injustice, à l’exclusion ou à la souffrance de ce monde où je vis ? Chacun a évidemment sa manière pour répondre à cette demande de solidarité. Si louable et appréciable soit-elle, la solidarité financière n’apportera souvent qu’une réponse partielle à un  problème bien plus profond. Au-delà du fait de manger à sa faim chaque jour, subsistent de nombreux autres manques à couvrir. Réjouissons-nous donc de ces innombrables possibilités qui s’offrent à nous d’exprimer notre solidarité. Il y en aura toujours bien une qui conviendra plus qu’une autre à notre tempérament ou nos moyens.

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Le degré de solidarité variera certes d’un à l’autre.  Je suis émerveillé par ces personnes qui, jour après jour, ont accueilli des demandeurs d’asile chez eux à Bruxelles malgré la menace de contrôle policier. Que dire de ces habitants de Calais, parfois âgés, qui allaient tous les jours offrir des repas aux réfugiés de la « jungle ». Ces hommes et ces femmes sont de vrais témoins du Christ, de ce à quoi Jésus nous appelle. Ils ont pris le parti des pauvres et des exclus. En cette période de Covid, il est tout aussi admirable de voir les initiatives de solidarité entre voisins avec les personnes âgées, malades ou seules.  Retisser des liens sociaux, c’est aussi un signe de solidarité, de sollicitude.

Même si nous ne sommes pas tous capables d’aller aussi loin, de faire autant pour les « exclus », il ne faut surtout pas laisser tomber les bras, détourner le regard. Mon grand-père me disait toujours : « Il y a une chose que tu ne dois jamais perdre : ta capacité d’indignation ». Il avait mille fois raison. Si les aléas de la vie ne nous permettent pas de participer activement à un mouvement de solidarité, nous ne devons cependant jamais faire l’économie d’une parole forte : Oser dire NON à tout ce qui opprime, rabaisse, exclut l’homme, tout ce qui nie ses droits les plus élémentaires. Oser dire « non », « je ne suis pas d’accord », et cela, même quand cela va à l’encontre de ce qui se dit autour de moi.

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Cela peut sembler difficile parfois, mais me taire, ce serait comme perdre mon âme, perdre ce qui fait ma dignité, renoncer à la sollicitude à laquelle Jésus m’appelle, renoncer à mettre mes pas dans les siens.

Un exemple de choix de « regard » :

La harangue d’Oswald Baudot à des magistrats qui débutent (1968)

Vous voilà installés et chapitrés. Permettez-moi de vous haranguer à mon tour, afin de corriger quelques-unes des choses qui vous ont été dites et de vous en faire entendre d’inédites.

En entrant dans la magistrature, vous êtes devenus des fonctionnaires d’un rang modeste. Gardez-vous de vous griser de l’honneur, feint ou réel, qu’on vous témoigne. Ne vous haussez pas du col. Ne vous gargarisez pas des mots de «troisième pouvoir» de «peuple français», de «gardien des libertés publiques», etc. On vous a dotés d’un pouvoir médiocre: celui de mettre en prison. On ne vous le donne que parce qu’il est généralement inoffensif. Quand vous infligerez cinq ans de prison au voleur de bicyclette, vous ne dérangerez personne. Évitez d’abuser de ce pouvoir.

 

Ne croyez pas que vous serez d’autant plus considérables que vous serez plus terribles. Ne croyez pas que vous allez, nouveaux saints Georges, vaincre l’hydre de la délinquance par une répression impitoyable. Si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi. Si elle est inutile, comme je crois, n’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années ni par mois, mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes. […]

 

N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.

La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides «attendus» du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. […]

 

Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux. Ne croyez pas que la société soit intangible, l’inégalité et l’injustice inévitable, la raison et la volonté humaine incapables d’y rien changer.

Ne croyez pas qu’un homme soit coupable d’être ce qu’il est ni qu’il ne dépende que de lui d’être autrement. Autrement dit, ne le jugez pas. Ne condamnez pas l’alcoolique. L’alcoolisme, que la médecine ne sait pas guérir, n’est pas une excuse légale mais c’est une circonstance atténuante. Parce que vous êtes instruits, ne méprisez pas l’illettré. Ne jetez pas la pierre à la paresse, vous qui ne travaillez pas de vos mains. Soyez indulgents au reste des hommes. N’ajoutez pas à leurs souffrances. Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances.

Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.

 

Ayez un dernier mérite: pardonnez ce sermon sur la montagne à votre collègue dévoué.

 

Oswald Baudot

Prière pour tous les "décentrés"

Prions pour que Dieu nous apprenne à refuser l’absurdité d’un
monde qui nous oppose les uns aux autres, qui nous aveugle au
point que nous ne sachions plus que nous sommes enfants
d’un même Père.

Prions le Seigneur pour qu’il éloigne de nous cette volonté
insidieuse de dominer l’autre, de gagner toujours plus et de
considérer celui que nous rencontrons sur notre chemin comme
un gêneur, comme quelqu’un qui empiète sur notre territoire,
sur nos droits et pourquoi pas sur notre liberté.

Prions le Seigneur pour qu’il nous apprenne à regarder l’autre
comme celui qui est précieux devant Dieu.

Prions le Seigneur de faire naître en nous une volonté de
vigilance qui nous amène à nous opposer à toute déclaration
abusive, d’où qu’elle vienne, et qui nous permette de juger ,
non les personnes mais les forces du mal, les lois, les décisions, les
décrets qui excluent et rejettent les hommes sans tenir compte
de la dignité qu’ils ont reçue de Dieu.

Donne-nous, Seigneur, d’avoir une attitude responsable
vis-à-vis de ceux à qui nous avons confié la responsabilité de mener
la vie de nos communes, de nos régions, de nos pays,
en particulier pour tout ce qui concerne les difficultés
que rencontrent les plus faibles, les plus pauvres, les étrangers,
les membres de minorités.

Donne-nous de savoir risquer notre temps et notre tranquillité
pour permettre à tous d’être considérés comme tes enfants.
Donne à nos Eglises la volonté de s’unir pour agir ensemble et
lutter ainsi en unissant leurs forces contre toute la puissance
de division de celui qui veut nous opposer les uns aux autres.
Que dans toutes les contrées du monde, par la force
de Ton Esprit, les Eglises créent des organes d’accueil, d’entraide
et de conseil pour les plus faibles ; que naissent des associations qui,
ensemble, utilisent tous les moyens possibles pour venir en aide
à ceux qui sont exclus.

Seigneur, devant cette tâche que Tu nous confies, nous sentons
notre faiblesse, mais c’est Toi et Ton amour pour tous les hommes
qui sont notre unique assurance et toute notre espérance.

                                                                                               Bertrand de Luze

« Si on ne prend pas parti pour les opprimés, on prend parti pour les oppresseurs.  Il est très difficile de rester neutre ».

Dom Helder Camara

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Et finalement la « Si » belle prise de parti de Zaz (parole et musique de J-J Goldman)

Si j'étais l'amie du bon Dieu.
Si je connaissais les prières.
Si j'avais le sang bleu.
Le don d'effacer et tout refaire.
Si j'étais reine ou magicienne,
Princesse, fée, grand capitaine,
D'un noble régiment.
Si j'avais les pas d'un géant.

Si j'avais des milles et des cents,
Le talent, la force ou les charmes,
Des maîtres, des puissants.
Si j'avais les clés de leurs âmes.
Si je savais prendre les armes,
Au feu d'une armée de titans.
J'allumerais des flammes,
Dans les rêves éteints des enfants.
Je mettrais des couleurs aux peines.
J'inventerais des Éden.
Aux pas de chances, aux pas d'étoiles,

aux moins que rien.

Je mettrais du ciel en misère,
Toutes les larmes en rivière,
Et fleurirais des sables où filent même l'espoir
Je sèmerais des utopies, plier serait interdit,
On ne détournerait plus les regards.

Mais je n'ai qu'un cœur en guenille,
Et deux mains tendues de brindilles.
Une voix que le vent chasse au matin.
Mais si nos mains nues se rassemblent,
Nos millions de cœurs ensembles.
Si nos voix s'unissaient,
Quels hivers y résisteraient ?

Un monde fort, une terre âme sœur,
Nous bâtirons dans ces cendres
Peu à peu, miette à miette,
Goutte à goutte et cœur à cœur.
Peu à peu, miette à miette,
Goutte à goutte et cœur à cœur.

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