Fraternité Laïque Dominicaine
Dominique Pire et Sainte Catherine de Sienne
Sarte
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Évangile de saint Matthieu 1, 1-17
Livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham : 2 Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, 3 Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, 4 Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naassôn, Naassôn engendra Salmon, 5 Salmon engendra Booz, de Rahab, Booz engendra Jobed, de Ruth, Jobed engendra Jessé, 6 Jessé engendra le roi David. David engendra Salomon, de la femme d'Urie, 7 Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa, 8 Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias, 9 Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Achaz, Achaz engendra Ezékias, 10 Ezékias engendra Manassé, Manassé engendra Amôn, Amôn engendra Josias, 11 Josias engendra Jéchonias et ses frères ; ce fut alors la déportation à Babylone. 12 Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, 13 Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Eliakim, Eliakim engendra Azor, 14 Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akhim, Akhim engendra Elioud, 15 Elioud engendra Eléazar, Eléazar engendra Mathan, Mathan engendra Jacob, 16 Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, que l'on appelle Christ. 17 Le nombre total des générations est donc : quatorze d'Abraham à David, quatorze de David à la déportation de Babylone, quatorze de la déportation de Babylone au Christ.
Beaucoup de choses changent dans la vie des humains sur toute la terre, et avec l’aide des média et des réseaux sociaux, à une vitesse qui déconcerte, créant ainsi une confusion sans pareille. La recherche de repère, on la retrouve dans toutes les générations : la Bible autrefois support de l’éducation est rejetée par beaucoup sous prétexte qu’elle est démodée et surtout qu’elle ne répond plus aux problématiques actuelles. Pourtant, la redécouverte de certains textes nous montre qu’il n’y a rien de nouveau sous le ciel, et surtout que Dieu à travers sa parole s’est préoccupé des problématiques que nous avons de la peine actuellement, à gérer selon sa volonté. Vous m’avez alors invité à participer à un dialogue avec la parole de Dieu, et je vous en remercie. Le sujet est très provocateur : « les aïeules sulfureuse de Jésus ». Le mot sulfureuse vient du latin sulfurosus qui veut dire « riche en souffre ». Dire d’une personne qu’elle est sulfureuse, c’est pointer du doigt sa mauvaise réputation. Comment donc comprendre que celles qui ont reçu l’étiquette de sulfureuse soient une présence lumineuse et une parole forte ? Est-ce que la vie de ces femmes nous concerne, comment est-ce qu’elles nous parlent à nous humains de toutes les générations ici et maintenant ?
Matthieu commence son évangile par la généalogie de Jésus. Ce n’est pas un hasard, mais plutôt une clé de lecture de tout l’évangile. En effet, il met en lumière l’origine juive de Jésus par Abraham, en même temps qu’il l’identifie au Messie qui descend du roi par David : Jésus est donc le Messie davidique annoncé par les prophètes.
Nous avons besoin d’une information supplémentaire : à l’origine Matthieu écrit pour des destinataires historiques juifs. Et dans la tradition juive, il est de coutume de ne pas citer, et de ne pas compter les femmes. Mais dans sa généalogie, Matthieu crée une surprise en insérant brusquement quatre femmes à savoir : Tamar, Rahab, Ruth, et celle d’Urie. Je signale que dans l’évangile de Luc aussi, nous avons une généalogie de Jésus dans laquelle les femmes ne sont pas citées (Luc 3, 23-38). Matthieu commence donc son évangile, en violant un tabou de la tradition juive, puis il mettra en scène des femmes qui passent par les mailles des tabous. Qui sont ces femmes ?
Tamar
L’histoire de Tamar se trouve dans Genèse 38-41 : Tamar est d’origine cananéenne, veuve de deux fils de Juda (d’origine israélite) qui sont Er et Onan, desquels elle n’a pas pu obtenir de descendance. Le troisième fils de Juda Shéla, selon la loi du lévirat aurait dû l’épouser. Mais cela ne s’est pas fait. Tamar, apprenant que son beau-père est dans la localité se déguise en prostitué pour le séduire afin d’obtenir de lui, une descendance. Il n’y avait rien de pire à l’époque, que de mourir sans laisser de descendance. Voilà pourquoi Tamar a brisé la loi de l’inceste. Pris dans ce piège, Juda dira : « Tamar a été plus juste que moi, car, de fait, je ne l’avais pas donnée à mon fils Shéla » (Genèse 38, 26).
Tamar, c’est le genre de femme dont on ne parle pas aisément, même dans l’église. Se référant à notre catéchèse traditionnelle, on peut être choqué de voir une femme pareille dans la généalogie de Jésus.
Tamar épouse le premier fils de Juda Er, il meurt, elle n’y est pour rien (Genèse 38,7). Elle se marie au 2e Onan qui par jalousie refuse de lui faire un enfant en jetant sa semence au sol (Genèse 38,9). Lui aussi meurt, et elle n’y est pour rien. Mais le beau-père est méfiant et la soupçonne de malédiction (Genèse 38,11). Il protège alors son 3e fils. Mais, elle prend son beau-père par ruse pour avoir de lui une descendance.
C’est un choc, de savoir que de Tamar naîtra Jésus. Que fait Dieu d’une telle situation ? On ne parle pas beaucoup de Tamar dans l’église, pourtant son histoire est inscrite par Dieu en couleur dorée. C’est une histoire de secret de famille : mais nous avons tous des secrets de famille, une tâche gênante dans notre lignée qui nous pèse, qui nous freine et qui nous empêche de nous épanouir dans la vie. Une grande question doit trouver une réponse pourtant : que fait Dieu de nos secrets de famille ? Je pense qu’il faut se décrisper : Dieu sort du sein de Tamar, c’est la preuve qu’il n’est pas loin de nous. Nous ne sommes pas reniés de Dieu, quelle que soit l’histoire de notre famille.
Rahab
Comme Tamar, Rahab est cananéenne, autrement dit étrangère. Son histoire est racontée dans le livre de Josué : prostituée de Jéricho, elle a caché chez elle les espions envoyés par Josué, puis, a permis leur fuite (Jos 2). En récompense de quoi, elle-même et toute sa famille ont été épargnées lors de la prise de Jéricho ; elle finit alors par faire souche au sein du peuple d’Israël (Jos 6,22-25). L’Épître aux Hébreux (11,31) et celle de Jacques (2,25) confirment l’importance de la figure de Rahab à l’époque du Nouveau Testament. La première la loue pour sa foi, et la seconde pour ses œuvres. Clément de Rome la loue pour sa foi et pour ses œuvres. La tradition juive en a fait une des premières prosélytes. Elle n’a pas seulement offert un refuge aux espions avant de permettre leur évasion, elle a aussi proclamé sa foi au Dieu d’Israël.
Après son aide apportée à Israël et sa profession de foi, tout son passé est effacé. Le pardon qui lui est accordé doit inviter à ne jamais douter de la miséricorde de Dieu envers qui se repent, quelle que soit la gravité des fautes commises.
Dans certaines familles, le mariage avec une étrangère était très mal vu. L’histoire de Rahab laisse voir que dans la famille de Jésus, il y a eu des métissages, il y a aussi eu des prostitués. Des étrangères, et des personnes qui défient toute morale. La repentance restaure et rétablie alors la personne dans toute sa dignité.
Ruth
Ruth la troisième femme de la généalogie de Matthieu habite le pays de Moab, de l’autre côté du Jourdain. C’est bien dans son pays qu’une famille israélite s’est réfugiée à cause de la famine. Elle sera étrangère et accueillie en Israël, après avoir accueilli chez elle, des israélites qui était étrangers chez eux. Elle épouse alors chez eux au pays de Moab, un israélite dont elle devient veuve. Sa belle-mère Noémie qui elle aussi est devenue veuve décide de retourner à Bethlehem (en Israël). Ruth la suit et une fois à Bethlehem, il faut bien que sa belle-mère et elle puisse survivre. Elle entreprend alors de glaner dans le champ de Boaz, un proche de Noémie.
Pourquoi celle qui est louée par l’Eglise pour sa loyauté et son attachement sans failles à sa belle-mère est-elle considérée comme sulfureuse ? En effet, encouragée par Noémie, elle va séduire Boaz. Noémie lui dit : « Boaz vanne l’orge sur l’aire cette nuit. Lève-toi donc et parfume-toi, mets ton manteau et descends sur l’aire. Mais ne te fais connaître de cet homme jusqu’à ce qu’il ait achevé de manger et de boire. Quand il se couchera… arrive, découvre ses pieds et couche-toi. Lui t’indiquera ce que tu as à faire » (Ruth, 3, 2-5).
Ruth n’a pas seulement suivi Noémie, elle utilise aussi la ruse pour séduire le proche de sa belle-mère, et abandonne ses traditions pour croire au Dieu d’Israël. Alors que les Moabites sont accusés d’idolâtrie, le livre de Ruth montre une qui devient israélite. Ruth est une figure emblématique du prosélytisme. Un théologien suisse nommé Thomas Römer dira que : « le grand roi David lui-même avait du sang moabite ».
Celle d’Urie
Matthieu ne lui donne pas un nom, mais le livre de 2 Samuel nous informe qu’elle s’appelle Bethsabée épouse du général d’armée Urie, le Hittite. Son histoire se trouve dans 1 et 2 Samuel : David est présenté comme un roi parfait pour Dieu (« selon son cœur » [1 Samuel 13,14]), mais c’est lui qui est à l’initiative de l’adultère. Bethsabée ne prend aucune initiative, et c’est David le roi qui la courtise, du haut de sa majorité psychologique, en l’absence de son mari qui est allé en guerre. Il envoie alors la chercher. N’ayant pas réussi à faire revenir son mari pour masquer son adultère et surtout l’enfant gênant qui doit en naître, David organise l’assassinant d’Urie. Il reconnaîtra sa faute (2 Samuel11, 1-12, 13), et sera pardonné. Bethsabée épouse David après avoir fait le deuil de son mari, et donne naissance à Salomon.
La maternité de Tamar est le fruit d’un inceste. Rahab et Ruth n’appartiennent pas au peuple choisi. Et Bethsabée donne naissance au futur roi Salomon suite à un abus de pouvoir du roi David. Dans toutes ces situations, la naissance des enfants s’est produite hors norme.
Dans l’histoire de chacune de ces femmes, il y a une nouveauté qui résulte de la brisure d’un tabou, de la violation de ce qui est norme culturelle entrainant stigmatisation, discrimination et rejet.
Par ces temps de confusions fortement médiatisées, par ses temps où la monté de l’extrême droite apporte discrimination de toute sorte, il y a de quoi s’inquiéter d’une perte des valeurs humaines fondamentales, des valeurs de vie essentielles ; la lecture de la Bible alors me parle. Elle devient nécessaire et non plus optionnelle.
Considérer le lien sanguin entre celui qui s’est donné pour que je sois sauvée et ces femmes dites sulfureuse, m’emmène à réfléchir avec une intelligence renouvelée, une intelligence nourrie et consolidée par l’Esprit de Dieu, sur la place du pécheur et de l’étranger, en ce moment particulier de notre histoire. Il n’est pas dit que le péché cessera de porter son nom, mais il se transformera : la première question c’est, comment aidé de Dieu, le pécheur travaille sa situation de manière à ce qu’elle devienne le ferment du salut pour lui, pour les autres et pour l’humanité ? La deuxième question est celle qui invite les autres à poser sur le « pécheur » non pas une attitude de condamnation, mais un regard compatissant et aimant.
Quelle est la petite lumière salutaire qui se cache derrière cette personne que nous regardons, le plus souvent comme pécheresse, comme étranger ? Quelle est la lumière salutaire qui brille à l’intérieure de cette personne que nous regardons en considérant beaucoup plus son côté obscure ? Et si cette personne est bien moi ?
Comment dès à présent posons-nous les bases d’un environnement, d’une société, ou d’un monde où il fait bon vivre les uns avec les autres, en considérant le côté lumineux de chacune, de chacun, comme ce levier qui nous fait en permanence rebondir, renaître, et réapprécier la vie en ce 21e siècle ? Que Dieu bénisse en chacun de nous, l’écoute de sa Parole. Amen.
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Priscille Djomhoue, Pasteure